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Forum de la section presse information de l'IHECS (Institut des Hautes Etudes des Communications Sociales)

20 avril 2007

Une société aliénée
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(Ben Heine © Cartoons)

USA, une société aliénée -
L’historien Howard Zinn commente la tuerie en Virginie

Luca Galassi, 18 avril 2007
Traduit par Fausto Giudice


Affligé, mais pas étonné : . Howard Zinn, l’un des plus grands historiens des USA, a accueilli avec une profonde tristesse la nouvelle du massacre à Virginia Tech, à Blacksburg, mais n’est pas surpris par l’événement.

Pourquoi, Monsieur Zinn?

Aux USA, il y a une culture de la violence perpétuée par la télévision, le cinéma, le militarisme de ce pays. Ce pays est mêlé à une énorme violence au Moyen-Orient et possède trop de bases miliaires dans le monde entier. La philosophie de l’actuelle administration est d’utiliser la violence pour résoudre les problèmes du monde. Notre gouvernement est drogué de violence. Il l’utilise fréquemment et avec des effets dévastateurs, il alimente une culture qui considère la violence comme normale et la perpétue dans les jeux vidéo, à la télé, dans les films. En même temps, il y a des lois qui autorisent les gens à porter des armes. Pas seulement des armes de chasse, mais surtout des armes automatiques, qui peuvent tuer énormément de gens en très peu de temps. Tous ces facteurs rendent inévitable la répétition d’événements comme la tuerie de Blacksburg, à savoir des gens qui se promènent aux USA avec une arme automatique et tuent n’importe qui. Malheureusement, ce n’est pas une chose surprenante.

Ce qui s’est passé n’est pas peut-être seulement le reflet du militarisme et de la violence, c’est aussi le résultat de lois qui permettent de se procurer une arme assez facilement. Est-ce que vous abrogeriez le deuxième amendement de la Constitution américaine ?

Il n’y a pas besoin d’abroger le deuxième amendement. À l’époque où la Constitution a été élaborée, les armes automatiques n’existaient pas. Mais les gouvernements non plus n’existaient pas, avec leur dose de violence. La Constitution est constamment interprétée et réinterprétée, et aujourd’hui le deuxième amendement signifie ce que Bush et son gouvernement veulent bien qu’il signifie. Je le répète : à l’époque, cette norme permettait l’autodéfense dans un pays qui sortait d’une guerre civile. D’après moi, il n’y a pas de problème constitutionnel. Le problème est politique, il s’agit de garantir qu’on aura les voix des membres de la National Rifle Association, qui a un pouvoir énorme sur les médias, qui possède des compagnies aériennes et ainsi de suite. La question est donc tout simplement celle-ci : le désir opportuniste de Bush de gagner ces voix et le refus d’imposer l’interdiction de la vente d’armes.

Vous pensez que s’il y avait une telle interdiction, le nombre de morts diminuerait, ou est-ce que vous croyez qu’un changement culturel général est nécessaire pour atténuer la violence de la société américaine ?

Je pense que les deux choses sont nécessaires. Il faut interdire la vente et il faut changer ce qui est enseigné aux enfants à l’école, changer ce qu’ils voient à la télévision. Celle-ci, au lieu de montrer des héros qui tuent les soi-disant méchants, devrait plutôt montrer des héros qui refusent l’usage de la violence, de héros qui peuvent agir et vaincre sans être nécessairement violents. La culture des armes contribue à rendre la société violente, mais une grande responsabilité doit être imputée aussi à une société qui produit l’insatisfaction, le malheur et l’aliénation chez les adolescents. Pour beaucoup de jeunes, il n’y a pas d’autre opportunité que l’engagement volontaire (dans l’armée). Et ça, c’est le motif de l’aliénation profonde des nouvelles générations américaines.

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Original : Peacereporter
Howard Zinn, né en 1922 à Brooklyn dans une famille ouvrière, a été aviateur durant la deuxième Guerre mondiale, avant de devenir un opposant farouche à la guerre. DIplômé de l’Université de Columbia, il commence sa carrière d’historien en 1956. Son engagement dans les mouvements sociaux, pour les droits civiques et contre la guerre, lui vaut pas mal d’ennuis. En 1962 Zinn est à l’Université de Boston, où il devient l’un des porte-paroles les plus entendus du mouvement contre la guerre du Vietnam. Il est aujourd’hui considéré comme le plus important historien progressiste des USA et une voix écoutée du pacifisme inetrnational.
Son Histoire populaire des Etats-Unis de 1492 a nos jours a été vendue à plus d’un million d’exemplaires aux USA. En français, on peut aussi lire de lui L'impossible neutralité : Autobiographie d'un historien et militant
Traduit de l’italien par Fausto Giudice, membre de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique.

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